Tu tires ou tu pointes ?! Le gore, star incontestée des terrains de pétanque… mais pas seulement !

Le gore n’a ici rien à voir avec les scènes sanglantes du cinéma d’horreur. Nous allons plutôt nous intéresser à cette roche naturelle de type micro-granitique de couleur ocre rose ou rouge. Très utilisée pour les sols sportifs, notamment les terrains de pétanque, mais aussi de nombreux aménagements paysagers, elle offre des caractéristiques bien différentes en fonction notamment de sa granulométrie. Très présente en région lyonnaise, elle orne par exemple le sol de la célèbre place Bellecour au cœur de la capitale des Gaules… Partons à la découverte du gore !

Gore ou gorrhe ? Voilà sans doute la première question à se poser au sujet de cette roche très connue dans la région lyonnaise. Les deux orthographes coexistent mais dans le Beaujolais, on préfèrera sans doute la seconde. L’origine méconnue du nom reste certainement liée à la langue vernaculaire de ce territoire. Le gore peut aussi être nommé « arène », dérivé du latin arena qui signifie sable.

Quand le granit se décompose

Le gore, ce sable concassé de roche, est issu de la décomposition des granites dont les minéraux majoritaires sont les quartz et les feldspaths. Cette altération est due à des infiltrations d’eau dans la roche. On le trouve généralement dans des sols de type acide, filtrant et assez pauvre, des types de sols souvent appréciés des viticulteurs. C’est pourquoi, on trouve le gore essentiellement dans la région lyonnaise, il sera alors de couleur ocre rose, et le Beaujolais où il sera plutôt de couleur ocre rouge.

Pollionnay le berceau du gore

A l’entrée des Monts du Lyonnais, à Pollionnay, se trouve la dernière carrière de gore en activité dans le Rhône : la carrière Poccachard. Pour la responsable administrative de l’entreprise, Laurie Poccachard, il est très difficile d’avoir une visibilité sur la durée d’exploitation d’un filon : « Il arrive qu’un gisement s’arrête. En fait, il dévie. On creuse un peu plus loin et par chance, on le retrouve. Mais, à tout moment, sur une zone autorisée, il peut s’arrêter. » Sur ce site de la région lyonnaise, pas de tirs de mine pour extraire la roche : «  Nous avons une roche qui est mi-dure. Nous utilisons donc le brise-roche pour extraire les plus gros blocs. Ensuite, nous passons la roche dans une installation de concassage et de criblage pour obtenir les différents calibres. » Chaque année, en fonction de la demande, la production de la carrière de Pollionnay est variable : 3 500 tonnes à 5000 tonnes destinées principalement à un marché régional. On parle donc bien d’un matériau 100% local !

Une couleur qui évolue avec le temps

La couleur ocre rose ou rouge du gore provient de la présence d’oxyde de fer. Laurie Poccachard, constate la constante évolution de cette teinte après l’extraction : « Dans le temps, il prend de plus en plus de couleur. Une fois qu’il est extrait, il continue de s’oxyder. Sur le gore ocre rose que nous extrayons à Pollionnay, cette oxydation est très marquante. Après fabrication, il est de couleur terre et en quelques semaines, il devient rose. »

De multiples aspects

Le gore est une roche qui peut être plus ou moins granuleuse, sableuse, friable, mi-dure, très dure… Dans les carrières Poccachard, on constate ces différences : « Dans le Beaujolais ou la Loire, la roche est plus dure mais très marquée par des microfissures d’argile. Ici, nous avons un produit beaucoup moins riche en argile. Nous sommes sur quelque chose de très sec. L’essentiel est de produire un matériau de couleur homogène et peu variée au fil des productions, aux propriétés régulières de dureté, de compactage et de perméabilité. Cette régularité nous permet de satisfaire au mieux notre clientèle ».

Choisir le bon calibre

A chaque application, sa granulométrie ! Pour Laurie Poccachard, « le gore en 0,6 mm est sans doute le plus polyvalent mais aussi celui qui se vend le plus ». C’est un calibre qui peut aussi bien être utilisé pour des allées piétonnes que pour des allées carrossables mais aussi des terrains de jeux de boules, un terrain de sport ou une place publique. Selon Laurie Poccachard, l’intérêt de cette granulométrie est que « cela laisse un peu de grain, c’est un peu plus drainant et il y a moins d’adhérence aux pieds qu’un calibre plus fin ». Il existe malgré tout aussi des calibres plus fins destinés aux différents types de sols sportifs : « On l’utilise alors pur ou avec un apport de sable pour des propriétés techniques très particulières, pour  la compétition par exemple, sur des pistes d’athlétisme, des terrains de foot, des boulodromes ou encore des pistes de BMX. »

Le gore des sportifs pour un sol ni trop souple ni pas assez

Pour les terrains de pétanque, comme pour les autres terrains de sport, on recherche un gore qui ne colle pas trop mais qui ne durcit pas trop non plus. Les clients, selon Laurie Poccachard, apprécient cet équilibre : « Ils veulent un sol qui soit à la fois porteur mais qui reste très souple aussi. Pour le jeu de pétanque, par exemple, cela permet de freiner les boules. Il faut donc que le sol se compacte un peu mais pas trop. C’est pour cela qu’on ajoute parfois du sable lavé en dosage précis. En fonction du lieu de pose, on adapte le mélange. Il ne sera pas le même dans le Sud de la France avec un climat très sec et en Haute-Savoie à 2 000 mètres d’altitude. Chaque terrain est différent et chaque club sportif a des attentes différentes. »

Des attentes différentes chez les particuliers ?

Les particuliers, comme le constate Laurie Poccachard, recherchent un gore un peu différent de celui des sportifs : « On va vouloir quelque chose qui se stabilise beaucoup plus. C’est pour cette raison qu’on l’utilise plutôt pur ». Et pour ces adeptes du gore, c’est bien l’usage qui importe : « Ce sont souvent des familles avec des enfants en bas-âge qui font du vélo. Sur le gravillon, ce n’est pas possible. C’est aussi le choix de personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas circuler avec un fauteuil roulant sur des graviers. »

Le gore très présent aussi dans l’espace public

Et l’exemple le plus connu, même à l’international, est sans doute celui de la place Bellecour à Lyon souvent cité par Laurie Poccachard : « Depuis fort longtemps, c’est ce matériau qui a été posé. La dernière fois, c’était en 2017 avec du gore rouge. Cela représentait alors 1 600 tonnes de matière, c’était un chantier important. On avait choisi un calibre 0,4 mm. C’est la granulométrie adaptée aux deux conditions particulières d’utilisation de la Place Bellecour : usage piéton au quotidien et concours de boules national ponctuel ». Dans des villes comme Annecy ou encore Thonon-les-Bains mais aussi le bassin grenoblois, le gore est également très apprécié pour le revêtement des places et jardins publics. Il arrive également que le gore s’exporte : « Nous avons eu dernièrement des demandes de la ville de Bruxelles pour le même type de produit que celui de la place Bellecour. »